chercher a comprendre le sens de l'angoisse

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Les angoisses de Martin ont-elles un sens ?

 

Martin, la cinquantaine, est métreur dans le bâtiment.

Il travaille dans un petit cabinet qu’il a créé avec un associé. Il se décrit en proie à une inquiétude quasi permanente, régulièrement envahi par l’angoisse.

« Je ne me sens pas libre dans ma tête. Il faut que je me surveille tout le temps pour ne pas m’angoisser …

Même des détails du quotidien peuvent m’angoisser : un client qui ne signe pas un Procès-Verbal, un contrat qui ne revient pas dans les délais ...

Dès que j'ai une incertitude, le processus s’enclenche : j’ai un petit vélo qui démarre dans ma tête. Je me fais des films, je me focalise sur ce qui ne marche pas, je vois des risques et des dangers partout …

Alors je deviens maniaque : il faut que je relise tout trois fois, je revérifie cinq fois de suite un courrier en partance, etc. C’est pénible et douloureux pour moi.

Et puis ça me pose des problèmes relationnels, avec mon associé, avec certains de nos prestataires, avec des clients. Et je ne vous dis pas avec ma femme ! »

 

Alors qu’il avait une trentaine d’années, Martin avait consulté un psychanalyste pendant environ trois ans. 

« J’ai découvert que je reproduisais le fonctionnement de ma mère. qui s’inquiétait tout le temps à propos de mon père qui faisait beaucoup de déplacements : « Il n’a pas appelé ! », « Je ne sais pas s’il est arrivé à son hôtel … », « Il a peut-être eu un ennui … », « Je ne comprends pas pourquoi il n’a pas encore téléphoné », etc.

Ça m’a fait beaucoup de bien d'identifier le bain d’angoisse dans lequel j’ai été plongé pendant mon enfance. . Comme j’ai compris d’où cela venait, j’ai pu arrêter d’être perturbé par mon propre fonctionnement !

Avant, non seulement j’angoissais, mais je flippais d'être angoissé … »

 

Pour Martin, avoir identifié la cause de son angoisse lui permettait de mieux vivre. Mais le processus était toujours là. Il eu, quelques années plus tard, l'occasion d'effectuer un travail  comportementaliste à base de PNL et  de pensée positive.

« C’était vraiment très différent ! J’ai découvert des tas de choses et comment mon petit vélo se mettait en marche ! J'ai appris à stopper mes pensées anxiogènes et à les remplacer par des pensées positives, à augmenter mon estime de moi »

 

Martin a vécu une bonne dizaine d'années dans un bon équilibre entre le processus anxiogène dont il connaissait l’origine probable et une certaine maîtrise de son mental. Moins de crises d’angoisse et moins fortes.

Mais Martin est lucide sur le fait de se surveiller lui-même en permanence.

Mais depuis un incident professionnel survenu il y a quelques mois, la régulation mentale qui marchait jusqu’ici ne fonctionne plus comme avant. Martin a beau se surveiller, il angoisse.

Il s’épuise à se surveiller pour un résultat médiocre …

 

C'est grâce à un travail sur ses émotions que Martin va plonger au cœur de son processus d’anxiété.

A partir de l’incident professionnel qu’il vit comme le début de sa régression : 

            « Ça s’est passé en ouvrant le courrier du matin, comme tous les matins.

Je ne me suis pas rendu compte que la lettre n’était pas adressée au cabinet, mais au nom de mon associé.

Le courrier traitait d’un chantier géré par mon associé en son nom propre et pas au nom de notre Cabinet ! 

Ce que ça m’a fait à l'intérieur de moi ? (S1)

Je me suis senti trahi !

Sans m’en parler (et depuis combien de temps ?) il utilisait notre cabinet pour faire ses propres affaires !

Plus précisément, ce que j'ai senti à l’intérieur ? (S1)

J’avais l’impression de ne plus exister …

Je me suis senti vidé …

Effacé, nié …

Qu'est-ce que j’ai fait ? (O)

Ben …

Quand je me remets dans la situation, je crois que je me suis assis et que j’ai relu, relu et encore relu la lettre.

Je me disais : « Ce n’est pas possible ! »

J’ai dû la relire dix fois en me disant que j’avais mal compris.

Quel sens ça avait de faire ça ? (S2)

Alors que je me sens vidé, effacé, nié, quel sens a le fait de lire et relie la lettre ?

Je dirais …

Que je suis sûr de l’information ?

Non …

Je crois que je compense mon vide intérieur par de l’information fiable, par du contenu.

C’est ça ! Je retrouve du plein, sous forme d’informations …

 

Martin ne voit d'abord pas bien à quoi cela peut lui servir.

Et puis, il établit un parallèle :

« C’est un peu comme si ma vie était rassemblée dans ce qui s’est joué à la découverte de cette lettre : je suis tout le temps occupé à rassembler de l’information, du contenu, à vérifier l’exactitude des données, à contrôler que les réalisations sont conformes aux cahiers des charges …

Et quand je suis sous stress, que j’angoisse, je fais davantage de la même chose : je coupe les cheveux en quatre, je revérifie tout plusieurs fois, je me fais des films sur les déficits d’information, sur les imprécisions qui pourraient cacher quelque problème, etc. »

 

Après quelques temps, Martin acquiert une nouvelle compréhension de son propre fonctionnement : la plupart de ses comportements, de ses habitudes sont liés à la recherche de la précision, de l’exactitude, à la fiabilité des informations. Il en dit volontiers que « C’est plus fort que lui », que c’est « Sa nature ». Il ne déteste rien moins que l'imprécision, le flou, le doute, le vide ...

Martin remarque au passage que son métier est un métier d’échange d’informations, de recherche de conformité, de précision …

  

Cette compréhension aura comme conséquence que Martin va désormais accorder tout son prix à l’alerte corporelle qu’il a identifié lors de l’épisode de la lettre destinée à son associé. Une sensation qu’il connait depuis longtemps mais à laquelle il n’avait prêté jusqu’ici qu’une attention distraite, comme un aléa survenant de temps en temps …

 

Martin va désormais s’appuyer sur cet indicateur corporel. 

Sa sensation de vide, de se sentir effacé, nié, devient désormais un message entre lui et lui qui signifie : danger !

 

Désormais, Martin sait que cette sensation au cœur de son intimité, pour éprouvante qu’elle soit, signale un déséquilibre. C'est une alerte dont il constate qu’elle passe vite (quelques minutes).

Et cela change beaucoup de choses pour lui :

« Avant, comme je ne me rendais pas compte de mon alerte intérieure, je cherchais désespérément une solution extérieure.

Quand j’étais confronté à une incertitude ou un doute, je partais pour plusieurs heures d’angoisse. Je cherchais toujours plus d’informations, je faisais plus de contrôles et plus de vérifications.

Aujourd’hui, quand je sens cette alerte en moi, je me laisse traverser par l’épreuve.

Ce n’est pas agréable, mais cela passe assez vite.

Ensuite, je me penche sur le facteur déclenchant (O) (un coup de fil, un dossier, un rendez-vous déplacé …) et je le questionne comme si c’était une tierce personne en demandant : « Alors, qu’est-ce qui me fait peur en toi ? ».

La plupart du temps je trouve le point gênant et je limite mes actions à le régler, sans laisser mon ancien petit vélo partir dans tous les sens.

De plus, je suis libéré de l’attention permanente, de cette surveillance que j’exerçais sur moi de façon incessante.

Quand j’accepte ce petit temps de déstabilisation (assez éprouvant je l’avoue) que je me fie à ce qui se passe en moi, un incident ne me perturbe que quelques minutes, voire une heure ou deux.

Avant, ça pouvait me pourrir toute une journée, voire davantage ! »

 

Le point central du cheminement de Martin aura été de distinguer l'effet corporel (l'alerte S1) du traitement mental et intellectuel qui s'en suit :

Il éprouve d'abord dans son corps une sensation de vide. Et cette alerte déclenchée par le co-pilote, engendre une réaction psychique et mentale (le traitement qu’en fait le pilote) : il se dit nié, effacé par le courrier et réagit en creusant, analysant, détaillant, scrutant ...

 

Au sens propre, l’ouverture du courrier destiné à son associé a bien eu un effet en lui de choc ou de trouble. Pas de doute à ce niveau de lecture corporelle.

Au niveau psychique et conscient, cette sensation de vide est considérée comme de l'incertitude. Probablement du fait de l’association entre le manque d’information vécu par sa maman et l’angoisse dans laquelle il la voyait.

 

L’émotion, c’est la façon dont nous sommes affectés intérieurement, corporellement, viscéralement, par ce qui nous arrive de l'extérieur, des autres et du monde.

Négliger ce moment intime et singulier nous condamne à ne pas comprendre comment et pour quoi nous nous adaptons comme nous le faisons aux circonstances extérieures.

 

Trouver le sens de son processus émotionnel (S2) a permis à Martin de comprendre comment, au moins par mimétisme, il a associé angoisse et manque d’information. Un modèle qui s’est imposé à lui, certes, mais qui lui appartient en propre, qui est ancré en lui et sur lequel il peut agir.