Qui est Henri Laborit ?

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Henri Laborit
Henri Laborit

Présentation du début du film "Mon oncle d'Amérique" de Alain Resnais en 1981 :

 

  • Professeur Henri Laborit, né le 21 novembre 1914 à Hanoï, Indochine
  • Père : médecin des troupes coloniales
  • Lycée Carnot à Paris
  • Ecole principale des services de santé de la marine et faculté de médecine de Bordeaux, 
  • Docteur en médecine, interne des hôpitaux, chirurgien des hôpitaux
  • Maître de recherche des services de santé des armées. 
  • Introduit en thérapeutique, l'hibernation artificielle, la chlorpromazine (le premier tranquillisant) ainsi que d'autres drogues à action psychotrope
  • Travaux sur la réaction de l'organisme aux agressions qui ont apportés des solutions nouvelles à l'anesthésie et à la réanimation
  • Dirige à Paris le laboratoire d'euthonologie
  • Auteur de nombreux ouvrages sur la biologie du comportement
  • Marié, 5 enfants  
  • Prix Albert-Laskert de l'Américan Health Association
  • Sports : équitation, voile
  • Légion d'honneur
  • Croix de guerre 39/45
  • Palmes académiques
Photo extraite de  "Mon oncle d'Amérique"
Photo extraite de "Mon oncle d'Amérique"

Quand Henri Laborit se présente lui-même :

 

" J'ajouterais aussi qu'il est d'origine vendéenne.
La Vendée, c'est ce pays auquel on a imposé la liberté, l'égalité et la fraternité, la fraternité surtout,  en y faisant 500 000 morts.

Il est cependant abonné aux Gaz et à l'Electricité, de France, ce qui montre ses sentiments nationalistes.

Et d'autre part, il est parfaitement adapté à une socio-culture dont il a largement profité ".

Henri Laborit est mort le 18 mai 1995




Bibliographie de Henri Laborit

 

  • Une vie, derniers entretiens, éditions du Félin,‎ avec Claude Grenié
  • La légende des comportements, Flammarion,‎
  • Etoiles et molécules, Grasset, 1992
  • L'esprit du grenier, Grasset, 1992
  • Les bases biologiques des comportements sociaux, 1991
  • Les récepteurs centraux et la transduction de signaux, Masson et Cie, 1990
  • La vie antérieure, Grasset, 1990
  • Dieu ne joue pas aux dés, Grasset, 1987
  • La colombe assassinée, Grasset 1983
  • L'alchimie de la découverte, Grasset, 1982
  • Copernic n'y a pas changé grand chose, Robert Laffont, 1980
  • L'inhibition de l'action, Masson et Cie, 1979
  • Discours sans méthode, Stock, 1978, avec Francis Jeanson
  • Éloge de la fuite, Robert Laffont, 1976
  • La nouvelle grille, Robert Laffont, 1974
  • Les comportements : biologie, physiologie, pharmacologie, Masson et Cie, 1973
  • La société informationnelle : idées pour l'autogestion, Editions du Cerf, 1973
  • L'homme et la ville, Flammarion, 1971
  • L'agressivité détournée, U.G. d'édition, 1970
  • L'homme imaginant, U.G. d'édition, 1970
  • Neurophysiologie, Masson et Cie, 1969
  • Biologie et structure, Gallimard, 1968
  • Les régulations métaboliques, Masson et Cie, 1965
  • Du soleil à l'homme, Masson et Cie, 1963
  • Physiologie humaine, Masson et Cie, 1961
  • Les destins de la vie et de l'homme, Masson et Cie, 1959, avec Pierre Morand
  • Bases physio-biologiques et principes généraux de réanimation, Masson et Cie, 1958
  • Le delirium tremens, Masson et Cie, 1956, avec Robert Coirault
  • Excitabilité neuro-musculaire et équilibre ionique, Masson et Cie, 1955, avec Geneviève Laborit
  • Résistance et soumission en physio-biologie : l'hibernation artificielle, Masson et Cie, 1954
  • Pratique de l'hibernothérapie en chirurgie et en médecine, Masson et Cie, 1954, avec Pierre Huguenard
  • Réaction organique à l'agression et choc, Masson et Cie, 1952
  • L'anesthésie facilitée par les synergies médicamenteuses, Masson et Cie, 1951
  • Physiologie et biologie du système nerveux végétatif au service de la chirurgie, G. Doin et Cie, 1950


Hommage à Henri Laborit par Joël de Rosnay

« L’œuvre d’Henri Laborit marque l’entrée dans le nouveau paradigme des sciences de la complexité. D’un monde fragmenté par l’analyse cartésienne, il nous mène dans celui des interdépendances et de la dynamique des systèmes.

De l’analytique au systémique Laborit nous fait parcourir les chemins de la connaissance et de l’action nécessaires pour agir aujourd’hui sur la complexité. Son oeuvre est aussi l’expression d’une nouvelle culture centrée sur la biologie.

Les références traditionnelles dans le monde des sciences passaient généralement par la physique. La biologie introduit une culture naturelle des rétroactions et des évolutions. Les savoirs peuvent ainsi s’intégrer en une vision renouvelée de l’homme en relation avec son environnement. Le microscopique et le macroscopique s’interpénètrent. Les disciplines juxtaposées se décloisonnent, se complémentent et s’enrichissent mutuellement.


Au travers de ses livres de synthèse ou de ses essais, Laborit donne l’impression de toucher à tout : biochimie, biologie moléculaire, neurobiologie, hormonologie, écologie, économie, philosophie. Ce qui n’a pas été sans heurter l’approche disciplinaire traditionnelle des universitaires auxquels il s’est souvent confronté. Mais dans la continuité de son message on saisit la force de sa vision : l’intégration des niveaux de complexité, l’interdépendance des structures et des fonctions, la dynamique des interactions. Il ouvre la cellule sur son environnement, retrace le cheminement du flux d’énergie qui, du soleil à l’homme, alimente la vie. Il relie ainsi la photosynthèse, les cycles énergétiques, le métabolisme cellulaire et le comportement en une approche cohérente et féconde.


Les régulations cybernétiques constituent l’autre versant de l’approche d’Henri Laborit. Avec Grey Walters, Ross Ashby, Pierre de Latil, Albert Ducrocq, Couffignal, Sauvan, il participe à l’émergence de la pensée cybernétique et à son application à la biologie. Il retrouve les visions de Claude Bernard sur la « constance du milieu intérieur » ou de Walter Cannon sur l’homéostasie.

Machine et organisme loin de s’exclure se fécondent mutuellement. Des mécanismes communs éclairent leur fonctionnement et permettent de prévoir des modes de réactions que l’expérience confirmera. Ainsi de nouvelles molécules agissant comme des régulateurs du métabolisme ou du fonctionnement du cerveau sont identifiées puis synthétisées. La méthode Laborit lui permet de produire des molécules d’intérêt thérapeutique en évitant le screening massif caractéristique de la recherche pharmaceutique moderne.


La relation à l’écosystème constitue le troisième volet de sa démarche. La molécule active, la cellule, le tissus, l’organe, le corps, ne sont jamais séparés de leur environnement immédiat, de leur écosystème microscopique ou macroscopique : ils s’intègrent dans un tout, lui même ouvert sur un environnement plus vaste encore. Cette vision amène Laborit à quitter la biologie, au sens « disciplinaire » du terme pour s’intéresser à l’environnement humain et ses corollaires économiques et politiques.

Les critiques se font plus vives encore car le chercheur quitte ici son domaine de compétence pour aborder le secteur des sciences humaines et de la philosophie. Mais son langage ne se veut pas dogmatique, il ne détient pas la vérité : il cherche à éclairer, à relier, à intégrer.

Un nouveau pas est franchi : l’application de la cybernétique et de l’approche biologique à une

« macrobiologie » constituée par les hommes, leurs machines, leurs organisations et leurs réseaux.

Ainsi dans « l’homme et la ville » Laborit intègre et décline sa vision de l’être biologique en relation avec son écosystème urbain. Il montre avant beaucoup d’auteurs les limites du système économique fondé sur la croissance, le gaspillage des ressources naturelles et la création des exclusions.

Sa vision prophétique des années 60 a été progressivement confirmée. Les grandes villes sont devenues le point de convergence des principaux problèmes que l’humanité devra aborder au tournant du millénaire. Sa vision systémique a inspiré de nombreux architectes, urbanologues, sociologues concernés par les villes du futur.

La référence à la biologie fait maintenant partie du vocabulaire et du mode de pensée des managers. On parle en effet d’entreprise cellulaire, en réseau, ou modulaire ; de flux et de métabolisme, de régulations et de niveaux de complexité.


Henri Laborit nous propose aussi de nouveaux modes de vie en relation avec notre environnement. Inspiré par la vision de McLean sur les « trois cerveaux », les travaux de Hans Selye sur le stress, ou les théories de l’agressivité il part de nos comportements de base pour expliquer certains types d’actions. Fuite, lutte ou inhibition de l’action telles sont les principales réactions d’un être vivant complexe à des formes d’agressions qui perturbent son homéostasie, son équilibre naturel. La fuite ou la lutte peuvent avoir des effets positifs : on change d’environnement ou on élimine la source de l’agression et du stress. En revanche, l’inhibition de l’action peut conduire à des désordres métaboliques, physiologiques et du comportement.

Au delà de la vision étroite des perturbations « psychosomatiques » auxquelles on se référait alors, il ouvre la voie de la neuro-psycho-immunologie, une des approches les plus prometteuse du comportement humain en relation avec les mécanismes moléculaires et cellulaires. L’inhibition de l’action peut être le facteur déclenchant de désordres neuro-psycho-immulogiques. La preuve est faite aujourd’hui des interrelations entre macrophages, hormones peptidiques et régulateurs du fonctionnement cérébral. Les trois réseaux qui assurent l’homéostasie du corps (système nerveux, immunitaire et hormonal) convergent et s’interpénètrent. Des molécules ubiquitaires comme l’insuline, la vasopressine, l’oxytocine, ou les cytokines interviennent à plusieurs niveaux de ces réseaux, confirmant l’approche proposée par Laborit dans les années 60.


La fuite serait-elle une solution adaptative aux agressions ? Dans « Eloge de la fuite », Henri Laborit nous montre comment chacun d’entre nous peut rééquilibrer sa vie à partir d’activités simples et motivantes. Hobbies, jardins secrets, violons d’Ingres, occupations complémentaires restructurent l’être, le relient à son environnement familial, professionnel, économique, écologique. La fuite n’est pas dans ce cas abandon, démission, mais potentialisation de ses capacités, recentrage de ses objectifs. Un mode de vie est ainsi proposé qui renforce la liberté et l’autonomie dans l’intégration des diversités. Par la fuite, en alternance avec la lutte, l’homme peut ainsi donner du sens à sa vie.


Prendre le recul nécessaire pour mieux affronter les obstacles et adopter une vision globale qui renforce et justifie l’action. Henri Laborit, homme total et libre dans l’univers fragmenté des disciplines, restera en cette fin du 20 siècle comme un pionnier de la pensée complexe et l’inspirateur d’un nouveau sens de la vie. »