Trois émotions, trois réactions d'adaptation

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Nous ne pouvons échapper à notre cerveau archaïque, celui qui nous presse de nous adapter dans l’urgence.

Pour garantir notre équilibre au sein du milieu dans lequel nous nous trouvons, nous disposons de mécanismes qui sont communs à l’ensemble de la nature vivante :

 

o   Quand nous percevons du milieu extérieur de quoi favoriser notre vie, nous nous sentons satisfaits et gratifiés et nous agissons pour en avoir encore plus.

o   Quand nous percevons du milieu extérieur de quoi réduire notre vie, nous voilà frustrés, en manque, et nous réagissons pour sortir de cet état de frustration.

 

C’est ce qui a été appelé les Réactions de Défense par Henri Laborit (voir "Les rats de Laborit"), dans la continuation de Walter Bradford Cannon, qui fut le premier dans les années 30 à poser les fondements d'une biologie du comportement.

 

1.  Fuir : l’intention est d’échapper au danger :

Il s’agit de ne pas se faire prendre et de sauver sa peau : mentir, être de mauvaise foi, éviter, nier, parler d’autre chose, fermer les yeux et les oreilles, faire comme si de rien n’était, etc.

 

2.  Lutter : l’intention est d’affronter le danger :

Il s’agit de ne pas se faire avoir, ne pas perdre la face et d’avoir le dessus sur l’autre : agresser, expliquer, avoir raison, argumenter, défier, accuser, médire, faire des conflits, etc.

 

3.  Se replier sur soi : l’intention est de survivre au danger :

Il s’agit de continuer à exister malgré le danger : faire le gentil, sourire tout le temps, se sacrifier, déprimer, faire tout seul, ne rien demander, faire comme si on était d’accord …

 

Au niveau reptilien, fuir, lutter et se replier sur soi ne présente que des bénéfices puisque notre besoin de vivre est immédiatement satisfait.

Chaque fois, notre réaction de défense génère un bénéfice immédiat en termes de survie. Même si ce bénéfice immédiat peut entraîner des « dommages collatéraux » importants, un peu plus tard, surtout en termes relationnels et en termes de morale !

 

Ces réactions sont vécues dans l’urgence et dans la nécessité impérieuse et existentielle de nous adapter à la situation présente vécue comme dangereuse.

Cette réactivité automatique repose sur la mémoire sensorielle (non consciente le plus souvent) même si nous cherchons à la relier à des souvenirs conscients. Ceci explique qu’une situation à peu près similaire à celle qui a été enregistrée dans notre mémoire corporelle puisse déclencher l’alerte émotionnelle.

Il y a urgence à sauver sa peau, la face, sa vie !

Probablement depuis la vie intra-utérine, nous avons identifié puis mémorisé des stimuli repérés comme dangereux car « pas bons pour la survie ». Notre cerveau reptilien réagit à toutes informations identiques et/ou ressemblantes de façon automatique et comme si notre vie en dépendait.

Il génère une réaction de défense qui procure un bénéfice immédiat en termes de survie.

 

Pour aller plus loin sur cette notion ,

voir  les COEX de Stanislav Grof 


La peur

Une sensation de peur est engendrée par la perception d'un danger. Cette sensation nous pousse à fuir pour gagner en sécurité.

La sécurité, c'est la protection, la stabilité, le confort, la solidité, la fiabilité, la santé.

C'est aussi l'autonomie, la liberté (de mouvement et/ou de pensée) l'indépendance, la capacité de choix, l'air, la respiration.

Avec la clé "O", il s'agit d'observer et distinguer ce qui relève de la sensation éprouvée dans le corps face à un danger (Exemple : une voiture qui se dirige sur nous) de ce qui relève notre appréhension vis à vis d'une situation future.

Il s'agit de s'entraîner à distinguer deux phénomènes :

La sensation éprouvée dans le corps est immédiate.

Elle s’impose à nous.

C’est une alerte qui nous informe.

L’appréhension d'un futur est décalée dans le temps.

C’est une réflexion, un reflet, une résonance, une projection.


Confondre les deux phénomènes diminue notre libre arbitre.


Le premier est vital.

Le second est une histoire.

Une histoire qui a de la valeur puisqu’elle raconte quelque chose de notre imaginaire et de notre mémoire. Mais notre vie dépend-elle de cette histoire ? Sa valeur est-elle existentielle ?

 

Etre saisi de peur, effrayé, surpris, oppressé, cassé … C’est vivre l’émotion dans son ampleur du fait que nous sommes humains.

Avoir peur, c’est entrer en rapport avec notre humanité.

 

Avoir peur de perdre, de mourir, d’être jugé, de tomber … C’est posséder en mémoire une histoire qui s’est inscrite à partir d’expériences sensorielles de perte, de mort, d’altération, de chute.

Cette peur-là parle d’une exigence à ce que cela ne recommence pas.

Souvent accompagnée du fantasme de ne plus jamais souffrir.

Il se peut même que nous finissions par avoir peur de la peur elle-même.

Alors, en fonction de son intensité, nous la nommons : inquiétude, anxiété, angoisse.


La colère

Une sensation de colère est engendrée par la perception d'une menace. Cette sensation nous pousse à lutter pour gagner en identité.


L'identité c'est l'affirmation, la légitimité, la grandeur, la distinction, la valeur, la forme, la singularité.

C'est aussi l'attention, le lien, la chaleur, l'égalité, la ressemblance, le contact, l'échange la proximité.


 La colère n'a pas bonne presse.

Assimilée à la violence, à l’agressivité il est demandé à chacun de la maîtriser, de la gérer, de l'endiguer.

Si l'énergie de la colère concoure à l’affirmation, à l’autorité, il est préconisé de ne pas en abuser et de privilégier d’autres voies d’expression.

 

A court terme, la colère poursuit la même finalité que la peur : être vivant.

Mais elle utilise les moyens de la confrontation. Faute de pouvoir fuir la situation qui fait choc, le corps se retourne contre l’autre, considéré comme un adversaire, un agresseur, un ennemi.


Avec la clé "O", il s'agit d'entrer en rapport avec notre propre colère, oser écouter notre propre opposition à une situation.

C’est s’ouvrir à la possibilité de résister à certains comportements.

C’est contacter notre existence dans le face à face. 

La colère n’a pas forcément pour vocation d’agresser l’autre.

Elle a vocation de nous rappeler la personne que nous sommes, notre identité.

 

Avant d'être vue comme un moyen de repousser ou de supprimer l’auteur ou le déclencheur extérieur de notre malaise, la colère peut être vue comme un regain d’énergie, qui nous redresse.

Qui nous permet d’accéder à notre dignité d’être humain.

De conserver notre posture. 



La tristesse

Une sensation de tristesse est engendrée par une confusion, une perte de sens. Cette sensation nous pousse à nous replier sur nous-mêmes pour nous retrouver, retrouver du sens.

Nous retrouver, retrouver du sens, c'est retrouver du calme, de la sérénité, de la paix, de l'ordre, de la régularité, de la justesse, de l'unité, de la plénitude.
C'est aussi retrouver confiance, réflexion, création, intention, projet, idéal.


L'expression de la tristesse est autorisée un peu mais pas trop longtemps.

Certaines situations autorisent son expression : un deuil, une perte, un accident. Mais au-delà d’un certain nombre de semaines, l’entourage trouve le temps long. Il est alors bien vu de se faire prescrire des remontants, voire des antidépresseurs ...


Avec la clé "O", il s'agit de constater que la tristesse contient l’impuissance de n’avoir pu éviter le choc et de n’avoir pas réussi à le contrôler ou avoir raison de lui. Notre tristesse nous parle d'une colère non écoutée et d'une peur ignorée.

La tristesse nous parle de notre vulnérabilité.

Dès lors que nous nous laissons entraîner à l'évaluer tristesse, elle s'aggrave.

 

Et il s'agit, là aussi, de distinguer deux phénomènes : d'une part la sensation d’effondrement qui peut nous saisir face à une situation, et d'autre part l’inhibition à aborder une situation que nous évaluons comme trop compliquée, dont nous avons perdu le sens.

La sensation d’effondrement face à une situation est liée à notre propre nature d'êtres vivants, à notre fragilité, à notre vulnérabilité.

L’inhibition, qui s'installe dans le temps, est une organisation au long court, un état de repli sur soi, devenu chronique faute de nous être accordés à l’effondrement initial. 


Avec la participation de Catherine Aimelet-Périssol et des extraits de l'ouvrage E.M.O.T.I.O.N.