Anatomie d'une émotion (4)

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Dîner au bord de la plage sur une petite île au milieu de l’océan.

Un hôtel quasi vide en basse saison qui convient parfaitement à mon désir de calme et de silence.

Ce soir, au restaurant de l’hôtel, un groupe fête un événement.

Le bruit des vagues est couvert par le brouhaha et la musique.

 

En fin de repas le volume de la musique augmente. 

Avec mon bungalow qui se situe un peu au-dessus, je pense que la musique va y être très gênante.

Je fais part de mes craintes au directeur qui me rassure : à l’endroit où je me trouve, il n’y aura pas de gêne …

Arrivé à mon bungalow, le vacarme est assourdissant.

Je redescends au restaurant, furieux, et j’agresse le directeur : après l’avoir vigoureusement empoigné pour l’emmener à l’écart de la fête, je le menace de m’en prendre à lui et au matériel de sonorisation si le volume n’est pas immédiatement baissé.

Comprendre le sens

Quel sens à cet épisode ?

A quelques reprises, alors que j’étais sous le coup de l’émotion, j’ai pu observer mon mental à l’œuvre : ses arguments en faveur de ma colère, son insistance à souligner ce qui aurait dû se produire (ou ne pas se produire …), son évaluation de mes propres réactions, etc.

L’intensité émotionnelle m’a permis d’être à la fois bousculé par la pression reptilienne et à la fois assez lucide sur ce qui se produisait en temps réel.

 

Après avoir identifié le facteur déclencheur et ma réaction automatique d’adaptation, j’ai pu progresser dans la connaissance de moi-même. L’épisode émotionnel révélait un fondamental de ma personnalité : le mouvement.

Jusqu’alors je croyais que c’était la liberté. Et plus précisément le délicat équilibre entre liberté et sécurité. Grâce à cet épisode, j’ai découvert un paramètre plus profond, plus physique : le mouvement.

Vu sous cet angle, l’épisode de la soirée dans cet hôtel devient compréhensible : coincé sur une petite île, écrasé par le son, je tourne dans ma chambre comme un fauve en cage …

Mais comme cela ne suffit pas, je bouge en redescendant au restaurant et là je déplace le directeur …

Cette compréhension ne change rien à l’épisode.

Mais elle change tout dans ma façon de l’intégrer.

Pas de culpabilité, pas d’effets secondaires, pas de pensées qui tournent en boucle sur l’événement, de ressentiments qui occupent les journées suivantes …

 

Je suis allé voir le directeur le surlendemain et me suis calmement expliqué avec lui, dans un climat d’écoute et de compréhension mutuelle.

 

Elle a permis enfin, d’accroître ma lucidité sur ma façon de fonctionner.

Je pense m’être approché d’un COEX dont l’origine remonte peut-être aux premiers instants de ma vie.

Cette connaissance m’apaise.

Elle ne permet pas de contrôler quoi que ce soit de ma sensibilité à certains stimuli.

Elle me permet de connaître mon propre processus émotionnel. Je sais avec une meilleure précision qu’une masse de bruit, de son, représente pour moi un danger et qu’il est écologique pour moi de m’éloigner. Je sais aussi mieux aujourd’hui que si le retrait m’est impossible, le danger peut devenir une menace me poussant à m’en prendre à son auteur.

 

Tout ça pour être en mouvement, pour m’assurer de pouvoir toujours être en mouvement …

Je sais désormais qu’il y a là un idéal, puissamment défendu par le mental.

S’ouvre désormais devant moi un magnifique exercice de copilotage !