Observer les faits

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Les contenus de cet article font référence à la Sémantique Générale  d'Alfred Korzybski

 

Que voyez-vous en observant l'image ci-dessous ?


 

Dans un groupe de personnes confronté à cette image, chacun ira de sa propre réponse.

Il est possible qu'une personne dise : " C'est un ensemble de formes ".

Cette personne donnerait ainsi une des réponses les plus factuelles.

 

Toutes les autres réponses interprétatives ( " C'est une carte géographique ", " C'est un monstre marin ", etc.) correspondent à une opération mentale que nous faisons tous les jours : parler de quelque chose qui se trouve à l'intérieur de nous-mêmes (un point de vue, une opinion, une représentation, une image construite par notre propre cerveau) comme si cette chose se trouvait à l'extérieur, dans le monde (une réalité, un fait) .

De même, si vous demandez à plusieurs personnes de donner leur définition des mots suivants :

  • Une jolie fille,
  • Un beau garçon,
  • Une belle voiture,
  • Il y a longtemps (définir avec précision),

il apparaîtra clairement que chacun a sa propre définition.

On pourra ainsi constater que les définitions en disent plus sur ce qui se passe à l'intérieur de la peau des personnes que sur une réalité "objective". Dans une grande majorité des cas, nous parlons de choses qui se trouvent à l'intérieur de notre peau comme si elles existaient à l'extérieur !

 

" L'univers que nous connaissons est un produit de l'observation et de l'observé"

 

Toute réalité extérieure à soi, c'est à dire à l'extérieur de notre peau est perçue au travers de la représentation que s'en fait notre propre cerveau. Et comme il est impossible d'échapper au fonctionnement de notre cerveau, tout ce que nous percevons est une interprétation.

 

« Tout ce que nous connaissons du monde, ce n’est point un environnement siégeant "autour" de notre organisme, mais seulement l’activité relationnelle que les neurones de notre système nerveux entretiennent entre eux »

Henri Laborit - L'agressivité détournée - Collection 10/18 - Page 55

 

La façon dont nous percevons le monde à l'extérieur de notre peau nous est donc totalement particulière et spécifique. Quoi que nous fassions, nous ne pouvons pas percevoir la totalité d'un évènement. Nous n'en percevons qu'une partie. A notre insu, nous effectuons des choix. Et ces choix nous sont propres, guidés par notre histoire, notre mémoire, orientés dans le sens de notre survie.

Notre vision du monde est ainsi partiale et partielle.

 

Ecoutons deux personnes qui ont participé ensemble à la même réunion : il y a peu de chance pour que leurs perceptions de l'évènement soient uniformes : l'une évoquera l'ambiance générale quand l'autre évoquera le comportement de l'un des participants. L'une décrira la réunion comme animée et riche, l'autre la décrira comme ennuyeuse et pauvre ...

 

Alfred Korzybski rapporte cette histoire extraite de la clandestinité européenne au temps d'Hitler : 

Une grand-mère américaine et sa jeune et ravissante petite-fille, étaient, avec un officier roumain et un officier nazi, les seuls occupants d'un compartiment de chemin de fer. Le train traversait un tunnel sombre et, la seule chose que l'on entendit fut le bruit d'un baiser sonore suivi d'une gifle vigoureuse.

Lorsque le train déboucha du tunnel, personne ne souffla mot.

Mais la grand-mère se disait en elle-même : "J'ai quand même bien élevé ma petite-fille. Elle saura se débrouiller dans la vie. Je suis fière d'elle".

La petite-fille, elle, se disait : "Allons grand-mère est assez âgée pour ne pas s'offusquer d'un petit baiser. D'ailleurs ces garçons sont gentils. Tout de même, je ne lui savais pas la main si lourde".

L'officier nazi méditait : "Ces roumains quand même, comme ils sont astucieux. Ils volent un baiser et s'arrangent pour que ce soit le voisin qui reçoivent la gifle".

L'officier roumain, lui, contenait mal son hilarité : "Comme je suis malin" pensait-il, "Je me suis baisé la main et j'ai flanqué une gifle au nazi".

Alfred Korzybski - Le rôle du langage dans les processus perceptuels


 

" Quand nous intégrons notre environnement, nous sélectionnons certains éléments,

non pas au hasard, mais en concordance avec nos expériences et nos buts "

Georges Kelly

(Psychologue et thérapeute américain 1905 - 1967)


Comment faire concrètement ?


Rester vigilant sur ce que nous croyons être la réalité.

Plus l'alerte sensorielle sera forte, plus nous aurons tendance à prendre notre interprétation de la réalité comme la seule réalité "objective". Il s'agit de chercher à distinguer les faits des déductions, interprétations, jugements, opinions, évaluations, conclusions.

 

Se méfier de l'emploi du verbe "être".

Pour nous rappeler que nous faisons une projection lorsque nous utilisons le verbe "être", nous pouvons utiliser des expressions telles que "semble", "apparaît", "pour moi".

 

Se rappeler que nos perceptions sont partielles et partiales.

Aucun mot ne peut décrire tout de quelque chose. Il y a toujours quelque chose dont nous ne tenons pas compte dans n'importe quelle description. La vie est davantage un monde de relativité que d'absolu.

 

Eviter la généralisation.

Il n'y a pas d'universalité dans le monde réel. Chaque personne et chaque chose est unique et a des caractéristiques uniques. De plus, nous vivons dans un monde en mouvement et les choses changent.

"On ne peut marcher deux fois dans la même rivière" - Héraclite.

 

Sortir de la limitation du "ou"

"Il n'y a pas de catégories dans la nature. Elles sont dans nos têtes et dans notre langage".

La plupart des situations n'impliquent pas des descriptions ou des décisions toutes noires ou toutes blanches, mais pour la plupart, plutôt des nuances de gris.