Un signal déjà connu

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Le plus souvent, la manière particulière qu’utilise notre corps pour nous interpeller nous est déjà connue. La sensation corporelle provoquée par tel événement est souvent « déjà vue ». Associée à d’autres événements, d’autres circonstances, d’autres personnes, d’autres animaux ou d’autres objets. C'est souvent une sensation à laquelle nous n'avions prêté qu'une attention distraite, comme à un aléa survenant de temps en temps.

Un aléa dont le sens nous échappe. Car les circonstances auxquelles nous l'associons  sont considérées a priori sans rapport. Sans rapport parce que nous les considérons d’un point de vue extérieur, événementiel.

Mais, en y regardant de plus près, non plus d'un point de vue événementiel mais sensoriel, ce sont des circonstances où le vécu intérieur est proche, sinon identique.

 

Dit autrement, des circonstances a priori sans rapports, ou dont nous pouvons avoir du mal à saisir le lien sont associées à une alerte corporelle identique. C’est que le S.O.S. n’est pas déclenché au vu de circonstances analogues, mais au vu d’une perception de danger identique ou comparable.

 

Le corps ne nous dit pas : « Cela ressemble au jour où untel t’avais fait ceci ou cela ».

Le corps nous dit : « J’ai déjà cette souffrance dans mon immense mémoire sensorielle ». 

Le S.O.S. nous signale que la souffrance, la peur, le malaise ont déjà été vécus.

Depuis le début de l'existence de notre structure cérébrale, des sensations ont été enregistrées. Et depuis l'aube de son existence, il existe des sensations que notre système nerveux reconnait au travers de circonstances différentes.

C'est pourquoi le bouleversement sensoriel inouï de la naissance constituera chez les humains une référence, une sorte de "formatage" ineffaçable, susceptible d'orienter la sensibilité de l'être pour toute sa vie.

 Pour aller plus loin sur cette notion ,

voir  les COEX de Stanislav Grof 

 

A l’image des poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres, des plus apparentes en volume aux plus intimes et profondes, la mémoire de notre corps empilent les sensations par analogies sensorielles.

 

Plus nous parviendrons à entrer en contact avec cette réalité sensorielle au fond de nous, plus nous pourrons nous y accorder. La comprendre, c'est la prendre avec soi, pour ne pas la subir comme une victime, pour ne pas se duper sur ce qui fonde nos sensibilités et nos choix.

 

 

EXEMPLE :

 

Un matin, alors qu'elle est en train de boire son thé, Marianne voit son fils, Damien, entrer dans la cuisine, traverser la pièce, passer à côté d'elle, ouvrir le frigo, sortir la bouteille de lait et s'installer à table pour prendre son petit-déjeuner sans lui adresser la parole.

Marianne évoque cet épisode avec émotion.

" Les jeunes d’aujourd’hui !"

" Plus aucun respect ..."

"Je suis sa mère tout de même ..."  

Marianne se reproche l'éducation donnée à son fils.

Elle s'interroge sur sa place de mère ...

Sur le coup, elle a réagi vivement et puis s'en est voulu :

- " J'étais hors de moi et je lui ai fait une leçon de morale bien appuyée ! . Mais après, en en parlant avec mon mari, celui-ci m'a fait comprendre que les hurlements étaient tout à fait démesurés et il avait raison. Qu'est-ce qui m'a pris ? ".

 

Pour Marianne, en utilisant la clé "S1" la première sensation vécue a été le vide, la tristesse, la solitude, son sentiment d’être perdue.

En approfondissant, Marianne put mettre en évidence qu'à travers le comportement de son fils, c'était celui de son père qu'elle retrouvait et sa frustration de toute petite fille ignorée par rapport à sa sœur aînée.

D'une poupée à une autre plus enfouie.

 

En poursuivant, elle put comprendre que la douleur éprouvée dans cet événement était la même qu'une autre, strictement corporelle, liée à une maladie qui l'avait clouée au lit alors qu'elle avait trois ans et dont elle avait conservé quelques images de chambre obscure et de drame familial.

Cet événement avait marqué toute la famille et sa mère lui rappelait souvent qu'elle avait cru la perdre.

Encore une autre poupée, plus petite et encore plus intime.

 

Ces évocations permirent à Marianne de réaliser combien l'événement « Mon fils n'en a rien à faire de moi » était chevillé à une expérience et une mémoire très corporelle et surtout très singulière.

Cette « révélation » ne changeait rien au comportement de son fils et aux remarques qu'il était possible de faire sur le niveau de civilité d'un adolescent le matin.

Mais cela changeait tout dans sa façon à elle d'aborder l’événement.

 

Un geste, une parole, une tonalité de voix, la modification des traits d'un visage, un changement de regard, un autre qui se détourne, l'expression d'une douleur, d'une peine, d'une colère ou d'une peur sont universellement des signaux d'alerte. Ils font écho à des mémoires. Celles-ci les ont enregistrés parce que le système qui assure l'intégrité de la vie est toujours en veille.