le roman de l'auto

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Illustration Philippe Souleau
Illustration Philippe Souleau

 

Le grand diseur et le taiseux

 

Le copilote n’est pas bavard.

Il serait plutôt du genre taiseux.

Ce qui l’intéresse ce sont les actes.

Ce qu’il aime particulièrement c’est quand le pilote réagit instantanément et si possible, sans commentaires.

 

Quand, dans une course de rallye, le copilote dit :

- « Attention, changement de revêtement à 400 mètres »,

il s’attend à ce que le pilote ralentisse.

Point.

Alors quand le pilote lui répond :

- « Épictète disait : « Tout est changement, non pour ne plus être, mais pour devenir ce qui n’est pas encore », ça l’énerve !

Il faut dire que le pilote lui, est un grand diseur.

Les mots c’est beau !

Leur musique, leur rythme …

Il est même capable d’en inventer, des mots !

Il lui arrive de parler tout seul, pour le plaisir du verbe …

 

Le copilote est habitué aux envolées philosophiques du pilote, ça le fait même parfois rigoler. Ainsi quand il a informé son co-équipier qu’ils avaient 150 km d’autonomie sur les deux réservoirs et que le pilote lui a répondu :

- « Le bonheur est à ceux qui se suffisent à eux-mêmes ! Aristote »

A vrai dire, cette réflexion lui a plu car il est d’accord sur le fond : la notion d’autosuffisance, ça lui parle bien. Mais il n’est pas prêt pour autant à prendre le risque de tomber en panne !

 

Le pilote, lui aussi, est habitué à la brusquerie de son copilote.

En réponse à une envolée lyrique époustouflante sur la beauté des couleurs des forêts automnales qu’ils traversaient, le copilote lui a répondu :

- « Fais gaffe ! Les feuilles mouillées ça glisse ! ».

Ou encore quand le pilote s’angoissait du mode de vie complètement anonyme des gens dans les nouvelles tours vertigineuses de cette nouvelle ville et que le copilote lui a répondu :

- « Qu’est-ce que ça peut te faire, t’habites un rez-de-chaussée ! ».

 

Alors quand il s’agit de communiquer ensemble dans une situation à risque, c’est parfois compliqué.

Ce n’est pas le copilote qui fera un effort.

Lui dont le pilote se moque de s’exprimer avec 300 mots de vocabulaire en tout, ne va pas changer son mode de communication. Le seul réglage dont il dispose, c’est le volume !

Il est prêt à hausser le ton très, très haut.

Et là, le pilote n’a pas de quoi faire le fier …

 

Quand le pilote se donne la peine de décoder les messages synthétiques du copilote, les choses se passent convenablement. D’ailleurs, le plus souvent, le pilote, qui accepte de communiquer en leurs deux noms, sait bien enrober, arranger, enjoliver … Il n’hésite pas à s’attribuer la paternité des idées.

Le copilote n’en a cure.

Pour lui, seules les actions comptent. C’est lui qui, la plupart du temps, est la source de l’adaptation et qui presse l’initiative.

Il laisse le philosophe pavoiser.

 

Mais quand le pilote ne se donne pas cette peine, pire quand il fait mine de ne pas comprendre ou encore pire quand il s’évertue à comprendre de travers, alors heureusement que chacun porte un casque !

Mais il s’ensuit que la communication externe de l’équipe est parfois bizarre.

Tous deux sont installés dans un silence aussi poli que profond : circulez, il n’y a rien à voir !

Ou alors ils agressent le premier qui leur demande quelque chose.

Ou enfin, ils semblent épuisés, abattus, au bout du rouleau.

 

Avez-vous observé l’état dans lequel se trouvent en arrivant certains couples qui viennent de passer plus d’une heure à tourner pour trouver le chemin ?

Eh bien, le copilotage dans notre tête ça peut ressembler à ça ! 

 

Peur de la panne d'essence

 

Le copilote est agité.

Vingt heures et toujours pas de station-service en vue.

Pour la troisième fois en dix minutes il s’inquiète :

-  Et maintenant, il reste combien d’autonomie ?
-   Mais enfin, tu ne vas pas me demander ça en permanence ! Il y a encore soixante-cinq kilomètres ! Çà va, t’es content ?
-   Mais tu disais soixante-dix il y a cinq minutes ! On a fait bien plus que cinq kilomètres en cinq minutes ! Il n’est pas fiable ton machin ! Je te dis qu’on va tomber en panne !
-   D’abord ce n’est pas mon machin, c’est un ordinateur de bord ! Ensuite, même s’il se trompe un peu on a largement de quoi atteindre la prochaine ville … Et enfin, pour la dernière fois, ARRETES DE ME PRENDRE LA TETE AVEC TA PEUR DE LA PANNE D’ESSENCE !

 

Dans son coin, le pilote n’est plus tout à fait sûr de savoir où il en est … C’est vrai qu’à vingt heures la plupart des stations vont fermer. C’est vrai qu’une station ouverte serait la bienvenue et que c’est plutôt désert dans ce coin … Mais l’autonomie est suffisante pour atteindre la prochaine grande ville et il y aura bien, au pire, une station de grande surface ouverte 24/24.

L’angoisse du copilote lui embrouille la tête …

 

Dans ce genre de situation, il peut choisir le déni d’information, fuir le message ou l’alerte du copilote :

Depuis qu’il conduit il n’est jamais tombé en panne d’essence ! Pourquoi ça lui arriverait ce soir ? Ainsi, il reprend ses esprits : en réalité, tout va bien !

C’est le copilote qui fait sa crise ! A chaque grand voyage c’est la même chose : il faudrait presque s’arrêter à chaque station pour avoir toujours le plein !

C’est ridicule ! Roulons ! Faisons comme si de rien n’était, il se calmera quand nous atteindrons la prochaine station !

 

Dans ce genre de situation, il peut aussi choisir le rejet de l’information, refuser le message du copilote, lutter contre la position du copilote voire contre le copilote lui-même :

-   J’en ai marre de ta phobie de la panne d’essence !

Fais-toi soigner !

Ou alors prends le train !

Tiens, si tu me redemandes encore une fois quelle est l’autonomie, je te débarque à la première gare que je vois !

 

Dans ce genre de situation, il peut enfin choisir de subir la pression du copilote comme une fatalité à laquelle il ne peut échapper, comme une règle du jeu incontournable avec laquelle il faut composer :

Il s’arrêtera à chaque station-service que le copilote lui suggérera, quitte parfois à flirter avec le minimum de livraison autorisé (cinq litres …). Il ne fera plus de commentaires, s’exécutera avec une gentillesse extrême (« Dis-moi mon chéri, nous avons roulé cent-douze kilomètres, veux-tu que nous refassions le plein ? »).

Il y aura trouvé une compensation : se payer un esquimau à chaque plein …

L’autre fois il a compté : cinq esquimaux pour un Paris-Montpellier, ça a été un peu lourd à digérer …

 

De son côté, le copilote qui n’obtient pas la réponse attendu du pilote commence à paniquer. On ne s’est pas arrêter aux deux dernières stations et maintenant, il n’y en a plus ! Et l’autonomie calculée par l’ordinateur de bord a l’air fantaisiste.

Des bouffées d’angoisse le saisissent.

Jamais il n’oubliera ce voyage en Iran où, avec des copains étudiants ils étaient tombés en panne sèche sur une route déserte de Turquie à plus de quatre cents kilomètres d’Ankara. Ils auraient pu ne pas revenir vivants de cette expédition sans l’aide d’un routier tchécoslovaque, tombé du ciel, qui leur avait vendu (à prix d’or) un jerrycan de fuel.

Alors, pas question que ça recommence ! A aucun prix !

 

Il faut sortir d’urgence de ce piège :

-   Bon, allez, arrêtes ! On fait demi-tour !

-   Hein ? Quoi ? Non, mais ça va pas la tête ?

-  Si, si, demi-tour ! On est au moins sûrs d’atteindre la ville où je t’avais demandé de t’arrêter … On y passe la nuit s’il le faut … On prévient Carole que nous n’arriverons que demain matin … Allez ! Stop ! Fais demi-tour !

-   Non mais je rêve … On n’a encore moins de chances de trouver un hôtel dans ce bled qu’une station-service ouverte !

-   Pas grave … On dormira dans la voiture … Ça nous rappellera nos premières virées tous les deux !

-   Mais il n’en est pas question ! Et puis tu nous vois dire à Carole qu’on arrivera demain midi parce que tu as peur de tomber en panne ? On aura l’air complètement dingue …

-   Ce qui est dingue c’est qu’elle ne nous ait pas dit que sa maison de vacances était au milieu du désert …

-   Ah ça … Carole et la logistique ça fait deux !

-   Eh bien, je suis content qu’on soit d’accord.

Regarde ! Là, tu peux t’arrêter pour faire demi-tour !

-  Mais enfin, c’est pas vrai ! C’est du délire … NON, JE NE M’ARRETERAI PAS POUR FAIRE DEMI-TOUR !! C’EST CLAIR ? Tu appelles Carole si ça te chante mais moi je continue ! De toute façon, à chaque fois qu’on a fait un truc avec elle, on a eu des problèmes …

-   Oui ! Et ce soir ça recommence ! Il n’y a même pas de réseau dans ce trou !

 

L’inquiétude gagne soudain le pilote :

-   C’est vrai ?

-   Mais oui !

Regarde : « Réseau indisponible » …

On ne peut même pas appeler de l’aide !

Arrêtes-toi …

MAIS ARRETES !!

 

A moitié sourd du côté droit, le pilote jette la voiture sur le bas-côté.

Dans le véhicule, la confusion bat son plein.

Dans ce tohubohu où le pilote qui n’a pas envie de faire demi-tour finit par douter de l’autonomie dont il dispose et où le copilote préfère s’arrêter ICI au bord de la route par peur d’être en panne au bord de la route un peu plus loin, une idée émerge : tout cela c’est de la faute de Carole !

C’est vrai, tout est si mal organisé avec elle …

Et ce n’est pas la première fois.

Qu’est-ce qu’elle va prendre quand on arrivera !

Parce que là, ça dépasse les bornes des limites !

Nous inviter dans un trou pareil !

Sans stations-service et sans téléphone !

Et sans avoir été prévenus !

C’est ça le plus grave !

 

Le pilote ne sait plus du tout où il en est …

-  Bon, alors qu’est-ce qu’on fait ?

-  Ecoute mon chou, si tu ne veux pas faire demi-tour, nous n’avons qu’à rester là … C’est si romantique de s’arrêter, tous les deux, seuls au monde …

 

Et si on mangeait à l’extérieur ?

 

Pilote

Ça fait un quart d’heure qu’on est partis de la maison et qu’on tourne en rond …

C’est le cinquième restaurant que je vais voir !

Personne ne sert en terrasse …

Tu commences à me fatiguer avec ton extérieur !

Copilote

Mais c’est toi qui t’obnubiles sur la terrasse …

Pilote

QUOI ???

Gros coup de frein et arrêt au bord du trottoir

Pilote

C’est moi qui m’obnubile ?

C’est la meilleure !

Rassure-moi, tu te fous de moi là ?

Copilote

Pas du tout …

Pilote  (Très énervé)

Mais depuis le début tu me bassines avec l’extérieur, tu veux voir l’extérieur, tu veux sentir l’extérieur, tu veux être à l’extérieur, tu veux manger à l’extérieur, tu veux de l’extérieur !

Ça fait un quart d’heure que j’essaye de t’en trouver un, moi, de restaurant EXTERIEUR !

On n’a qu’à s’acheter un sandwich, s’asseoir par terre et comme ça on y sera à l’extérieur !

Copilote

Tu n’as pas écouté ce que je veux dire …

Pilote

Ben … Extérieur, à l’extérieur … ça me parait suffisamment clair !

Je n’ai pas besoin de demander ce que ça veut dire !

Copilote

J’ai dit que j’avais envie de manger à l’extérieur …

Pilote

Ah ! Tu vois !

J’ai bien compris !

Copilote

Non

Pilote

Comment ça, non ?

Copilote

A l’extérieur !

A l’extérieur de la maison …

Dehors !

Pas dans le jardin …

En dehors de la maison !                     

Pilote

En somme, tu veux manger ailleurs qu’à la maison ?

Copilote

Oui …

Pilote

Mais tu ne pouvais pas le dire plus tôt ?

Copilote

Mais je ne dis rien d’autre depuis le début …

Pilote

Et tu m’as laissé chercher une terrasse comme un fou depuis un quart d’heure ?

Copilote

Tu avais tellement l’air d’y tenir, tu y mettais tellement d’énergie !

Et puis moi, une terrasse, ça ne m’aurait pas dérangé.

Pilote    (Se prenant la tête dans les mains)

Ça ne l’aurait pas dérangé !

C’est le bouquet !

Bon … Allez, on rentre parce que je crois que je vais m’énerver pour de bon !

Copilote

Ah non alors !

Pas question !

J’ai dit que je voulais aller à l’extérieur !

C’est toujours pas clair ?

Moi ça fait un quart d’heure que j’attends d’y être à l’extérieur !

 

 

Cercle vicieux

 

Quand le copilote a détecté un danger potentiel, il se sent « mal ».

Il ne peut pas ne rien faire.

C’est plus fort que lui, plus fort que tout.

A peine a-t-il aperçu un danger, à peine a-t-il senti une infime différence dans son état interne qu’il réagit.

Il s’agite sur son siège, triture les boutons du tableau de bord, bombarde le pilote de questions, fait les demandes et les réponses, ouvre la fenêtre, referme la fenêtre, attrape le rétroviseur pour scruter partout … il y a rapidement de la buée dans l’habitacle !

 

Ou alors il se met à crier, il frappe rageusement le centre du volant pour klaxonner (le pilote n’a qu’à s’arranger pour continuer à conduire), il prend le pilote à témoin, lui attrape le bras pour souligner sa colère, passe la tête par la fenêtre et fait des grands gestes à l’extérieur …

 

Ou encore il se recroqueville sur son siège, devient silencieux, les yeux dans le vague, il répond avec gentillesse aux sollicitations du pilote,  il semble attendre que le temps passe, il est soudain si petit dans l’habitacle, tout gêné …

 

Quoiqu’il en soit, au bout d’un moment, ça passe.

S’il s’est agité, il finit par se calmer.

S’il était agressif et bruyant, il redevient civil et paisible.

S’il était éteint, il retrouve sa vitalité habituelle.

 

Pour le pilote, il lui arrive de prendre ces épisodes avec empathie. Il sait bien que ça va passer, que le meilleur moyen de retrouver la paix est de laisser faire, que c’est la nature du copilote d’être … émotif !

Cette sensibilité parfois envahissante est le gage de son engagement dans l’équipe pour la sécurité de tous. Comme il a confiance dans son coéquipier, il peut aussi prendre l’information comme potentiellement utile selon les circonstances.

 

Mais le pilote peut aussi réagir autrement.

 

Il peut avoir peur des épisodes émotionnels de son copilote :

le voir s’agiter, le voir apostropher tout le monde ou encore le voir prostré sur son siège lui rappelle trop de mauvais souvenirs personnels pour susciter de l’empathie.

Il se met à avoir peur de la peur de son copilote, peur de la colère de son copilote ou encore peur des phases de repli de son copilote. Il s’angoisse. Conduit le véhicule avec la peur au ventre, ne sachant plus distinguer ce qui provient des réactions réelles du copilote de ce qu’il imagine, projette …

 

Il peut bouillir face aux épisodes émotionnels de son copilote :

il se met en colère contre la peur, la colère ou le repli de son copilote. Il se tend. Conduit le véhicule les dents serrés, crispé sur le volant, réagit avec brusquerie, prend des risques, prêt à en découdre avec le moindre incident …

 

Il peut enfin subir les épisodes émotionnels de son copilote :

il ne peut rien faire contre la peur, la colère ou le repli de son copilote. Voire, il adhère aux alarmes de son copilote et prend toutes ses manifestations pour argent comptant Il s’inhibe. Conduit le véhicule comme par habitude, vise l’économie de moyens, applique une stratégie minimaliste.  

 

Alors, quand le pilote ne fait pas preuve d’écoute et d’empathie pour son copilote, quand il s’angoisse, qu’il se met en colère ou qu’il s’inhibe, le copilote réagit à son tour sur la réaction du pilote qui réagit sur la réaction du copilote !

Etc.

 

On appelle ce processus un cercle vicieux.

Chacun renvoie la culpabilité à l’autre.

Chacun rejette sur l’autre la responsabilité de la réaction défensive.

La faute au copilote qui en fait toujours trop, la faute au pilote qui ne comprend rien. L’essentiel semble alors de se débarrasser de la « patate chaude » nommée Responsabilité. 

 

On raconte l’histoire d’un redoutable accident dans lequel un véhicule fut détruit : lors d’une course, le copilote avait violemment mis en garde le pilote contre la dangerosité d’un virage.

A la sortie du virage, le pilote s’en était pris encore plus violemment au copilote pour sa pusillanimité.

N’empêche que le virage avait été pris vraiment de justesse …

Le copilote voyait bien que le pilote, désormais en colère, était prêt à toutes les prises de risques. Le pilote, quant à lui, avait bien l’intention de montrer à son équipier qui était le patron !

Le même scénario se reproduisit de nombreuses fois par la suite.

Au comble de la tension entre les deux, le copilote ne cessait plus de hurler.

Le pilote était fou de rage.

A l’approche d’un virage très dangereux, le copilote ayant averti le pilote de la vitesse excessive du véhicule et voyant le pilote au comble de la fureur, actionna la coupure d’urgence électrique de la voiture …

La voiture ralentit aussitôt.

Mais il n’y avait plus de freinage assisté …

Ce fut la catastrophe.

Sur les lieux de l’accident, les derniers mots du copilote à qui l’ont demandait pourquoi le coupe-circuit électrique avait été actionné répondit : « C’était pour nous sauver la vie … ».

 

S'écouter pour s'entendre

 

-        Il fait une chaleur à crever !

-       Si je comprends bien tu crains que nous soyons crevés ?

-       Non, je ne crains pas !

         Tu sais très bien que je ne crains pas moi !

-       Si je comprends bien, tu dis que tu n’as jamais peur ?

-       Bien sûr que si ça m’arrive d’avoir peur !

         Mais je ne crains pas, c’est différent !

-       Si je comprends bien tu as peur mais tu ne crains pas ?

-       Non, je n’ai pas dit que j’avais peur, j’ai dit qu’il faisait chaud …

-       Si je comprends bien tu n’as pas peur qu’il fasse chaud ?

-       Tu sais que tu commences à m’agacer à tout comprendre de travers

-       Si je comprends bien tu penses que je comprends de travers ?

-       T’as conscience du ridicule de la proposition ?

-       Si je comprends bien tu penses que la proposition est ridicule ?

-       Si tu commences la prochaine phrase par « Si je comprends bien » je te gifle !

-       …

 

Un petit moment se passe en silence

 

-       Il fait vraiment une chaleur à crever …

-       Alors tu crois qu’il fait vraiment chaud ?

-       Non, je ne crois pas !

         Tu sais très bien que je n’ai pas la foi, moi !

-       Alors tu dis que tu n’as plus la foi ?

-       Je n’ai pas dit que je n’avais plus, j’ai dit que je n’avais pas !

         C’est pas pareil !

-       Alors tu dis que tu n’as plus parce que tu n’as jamais eu ?

-       Çà recommence !

         T’es abruti ou c’est pour « Caméra cachée » ?

-       Alors tu dis que je recommence à être abruti ?

-       La prochaine fois que tu …

         Oooh ! Je ne sais pas ce que je te fais !

-       …

 

Un long moment se passe en silence

 

-       Je préfère quand on parle …

-       Moi aussi, j’aime bien quand on m’écoute

-       Je veux bien t’écouter, mais j’ai peur que tu me mettes une gifle …

-       Ça dépend comment tu m’écoutes !

-       Si je comprends bien, ça dépend comment je pose la question ?

-       Attention !

-       …

-       Remarque ... T’as un peu raison …

  Mais où as-tu vu qu’écouter c’est poser des questions ?

-       Ben, j’ai lu ça dans des livres …

-       Alors, t’as pas du bien comprendre, c’est pas possible autrement !

-       Tu penses que ce n’est pas possible autrement ?

-       Attention !

-       …

-       Je voudrais bien t’écouter mais je ne sais pas comment faire …

-       Tu ne sais pas comment faire ?

-       Non …

         J’ai appris plein de techniques …

         Mais j’ai l’impression que ça ne marche pas …

-       Tu as l’impression que ça ne marche pas ?

-       Ben, encore tout de suite …

         J’essayais de te comprendre mais j’étais tout le temps à côté de la plaque !

-       Tu étais tout le temps à côté de la plaque ?

-       Oui !

         Et pourtant je faisais plein d’efforts pour te comprendre !

-       Pour me comprendre ?

-       Ah oui …

         Je vois tout à coup …

         Comprendre et écouter, c’est pas pareil …

-       Comprendre et écouter ce n’est pas pareil ?

-       Ben …

         Je me le demande maintenant …

         Quand je dis « Si je comprends bien », en réalité ça donne l’impression que je                 parle de moi …

-       Çà donne l’impression que  tu parles de toi ?

-       Certainement !

         Alors que toi, là, tu m’écoutes et tu ne poses pas de question …

-       Je ne pose pas de question ?

-       Ah si ! Tu en poses …

         Mais il n’y a rien de toi dedans …

-       Il n’y a rien de moi dedans ?

-       Je crois que ça fait toute la différence !

         Je viens de comprendre …

-       Tu viens de comprendre ?

-       Oui !

         Et c’est toi aussi qui m’as compris …

-        Heu ... non … Moi je n’ai rien compris !

-       Mais tu m’as écouté, c’est l’essentiel, tu comprends ?

-       Allez viens que je t’embrasse !